9 mars 2009

Comment l'antisarkozysme progresse

L'antisarkozysme est de retour. Ce qui n'était encore qu'une réaction des milieux les plus militants et radicaux aux débuts de la présidence de Nicolas Sarkozy devient un sentiment plus répandu dans l'opinion. Alors qu'il peine à convaincre de la pertinence de son plan anticrise, le chef de l'Etat cristallise un mécontentement croissant.
Ce dernier s'exprime dans les grèves ouvrières contre les fermetures d'usines, mais aussi dans des catégories jusqu'ici relativement protégées : magistrats, avocats, médecins, enseignants, étudiants et cadres. " On assiste à une déception incontestable de l'électorat. Elle ne s'est pas encore transformée en désaffection. Mais la crise et la remontée du chômage ne peuvent que générer un mouvement social qui va se traduire par un antisarkozysme plus marqué ", analyse Denis Pingaud, vice-président exécutif de l'institut Opinionway.
Le refus d'une société mise en fiches, déshumanisée et au service de l'argent roi, s'est élargi. Multiforme, la contestation va des altermondialistes aux Verts, en passant par les militants anti-OGM et les opposants à l'incarcération de Julien Coupat dans l'affaire des sabotages des lignes SNCF.
CONVERGENCE DES LUTTES "
L'" Appel des appels " en est la traduction. Depuis son foyer d'origine (les milieux psychanalytiques), il a su fédérer une multitude de mécontentements via les collectifs " Non au fichier Edvige ", " Pas de zéro de conduite pour les enfants de trois ans ", " Sauvons l'hôpital public ", " Sauvons les Rased " (réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté), " Sauvons la recherche ", " Sauvons l'université "... L'initiative surfe sur les réformes tous azimuts voulues par M. Sarkozy.
" Le temps est venu, de coordonner ces différents mouvements et d'en tirer tout le sens politique ", préviennent les signataires de ce manifeste qui a déjà conquis 71 000 personnes. L'un de ses initiateurs, Roland Gori, psychanalyste, souhaite, lors d'une réunion à Paris, le 22 mars, transformer la pétition en " cahier des charges, comme les cahiers de doléances de 1789 " et constituer un front uni des protestations.
Les politologues notent que Nicolas Sarkozy n'a plus le monopole du " mouvement " sur la scène politique, dont il disposait encore à l'automne 2008 malgré une popularité en baisse. L'aggravation de la crise économique et le sentiment que le plan de relance n'est pas à la hauteur ont changé la donne.
" La logique du mouvement perpétuel voulue par Sarkozy est arrivée à épuisement. Elle ne marche plus parce que le mouvement social a réussi à faire le lien entre des mobilisations aussi différentes que celle des enseignants-chercheurs, celle contre les licenciements dans l'automobile ou dans le secteur hospitalier ", résume Vincent Tiberj, chercheur à l'Institut d'études politiques de Paris.
La montée de la contestation sociale, sectorielle, puis nationale avec l'entrée en scène des confédérations syndicales, a, semble-t-il, donné un sens au ressentiment anti-Sarkozy. La grande manifestation interprofessionnelle du 29 janvier en a été, à ce jour, l'expression la plus forte. " L'antisarkozysme fédérait tout ", remarque Annick Coupé, porte-parole de Solidaires.
" Le 29, s'est exprimé le rejet du mépris ressenti de la part du président. Le slogan "tu l'as vu ma grève ?" en était le symbole ", renchérit Jérome Fourquet, directeur de l'IFOP.

Le maître mot est désormais la " convergence des luttes ". Prochain rendez-vous : le 19 mars, nouvelle journée de mobilisation interprofessionnelle.

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