26 mars 2009

François Pérol, l'" homme neutre " nommé par l'Elysée, ne convainc pas les députés

Si vous voulez dire que je suis proche de M. Sarkozy, je vous le confirme. " Un bref moment d'exaspération, en trois heures d'une audition tout au long de laquelle François Pérol s'est efforcé de ne jamais prononcer un mot plus haut que l'autre. L'ancien secrétaire général adjoint de l'Elysée, appelé à prendre la tête du groupe bancaire Caisses d'épargne-Banques populaires, était auditionné, mercredi 25 mars, par la commission des finances de l'Assemblée nationale.
Se présentant comme " un homme neutre ", M. Pérol s'est défendu de tout " conflit d'intérêt " dans cette nomination. Il a assumé avoir jugé " en conscience " qu'il pouvait ne pas saisir la commission de déontologie. Se présentant comme un simple " conseiller " du président de la République, auprès duquel son rôle se limitait à donner des " avis ", il a assuré n'avoir pas eu en charge " l'ensemble des affaires économiques et financières de ce pays ". Quant à la fusion des deux groupes, " ce n'est pas un projet que j'ai imaginé, conduit ou porté ", a-t-il affirmé. " Je n'ai exercé ni contrôle ni surveillance sur aucun de ces deux groupes. Je n'ai pas donné d'avis à l'autorité compétente ", a ajouté M. Pérol, admettant toutefois avoir reçu leurs dirigeants, " pour mieux informer le président de la République ".
Cette ligne de défense n'a pas convaincu l'ensemble des députés présents. Mais elle a pour objet principal d'éviter, si des poursuites pénales étaient engagées, de compromettre le chef de l'Etat. La loi interdit en effet à un fonctionnaire ou à un agent d'une administration publique de prendre avant un certain délai des responsabilités dans une entreprise privée dont il aurait eu, dans le cadre de ses fonctions antérieures, à assurer le contrôle ou la surveillance. Ce délit, la participation illégale d'un fonctionnaire dans une entreprise contrôlée, est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.
Pour prévenir ce cas, une commission de déontologie a été installée depuis 1995. Elle ne peut cependant s'autosaisir. C'est à l'agent concerné ou à son administration de le faire. M. Sarkozy s'était prévalu publiquement - à tort - d'un avis de la commission sur la nomination de M. Pérol. Son président, Olivier Fouquet, entendu le 12 mars, par la commission des lois de l'Assemblée nationale, l'a déploré. Après avoir envisagé de démissionner collectivement, la commission a rappelé dans un communiqué qu'elle avait seule compétence pour apprécier si une nomination est conforme ou non à la déontologie. Ainsi, soulignait-elle la nécessité, " si un doute intervient ", de la saisir.
La commission n'ayant pas pu prononcer un avis, l'affaire pourrait désormais venir en justice. Une association de lutte contre la corruption, Anticor, a déposé une plainte pour prise illégale d'intérêt. L'association Contribuables associés a également annoncé, mercredi, avoir déposé plainte devant le tribunal pénal contre cette nomination. Des syndicats de la Caisse d'épargne envisagent de faire de même.
Plusieurs députés ont souligné, durant ces deux auditions, le risque que faisait courir au futur groupe bancaire l'hypothèque judiciaire de son principal dirigeant. M. Pérol avait invoqué, pour justifier de n'avoir pas saisi la commission, l'" urgence " de la situation. Michel Sapin (PS, Indre) lui a demandé s'il avait l'intention de le faire avant de prendre la direction du futur groupe, dont la constitution ne devrait pas être officialisée avant la fin du mois de juin. " Là, il n'y aura pas d'urgence ", a indiqué le député. " Il n'y a pas d'obligation ni de sens ", a tranché M. Pérol.
Pour François Goulard (UMP, Morbihan), " cette nomination est entachée de suspicion ". Le député s'est étonné qu'il y ait eu " un seul candidat neutre " pour cette fonction. " Vous étiez dans le dossier de A à Z, du début jusqu'à la fin. Vous donniez directement vos avis au président de la République ", a-t-il souligné. " Vous faites une analyse politique. Je fais une analyse in concreto. Je ne crois pas avoir à répondre ", a lâché M. Pérol.

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