17 février 2010

Les hamburgers halal de Quick passent mal


Il y avait eu l'affaire du Franprix d'Evry. En 2002, cette épicerie de la région parisienne avait décidé de passer au "tout-halal" et de ne proposer à ses clients ni porc ni alcool. Manuel Valls, maire PS de la ville, avait vivement protesté et fait fermer le commerce, officiellement pour conditions d'hygiène non conformes, une décision finalement cassée par la justice.
C'est désormais au tour de Quick d'être au cœur d'une polémique. Depuis quelques mois, la chaîne ne vend que des hamburgers halal dans huit de ses trois cents soixante-deux restaurants français. L'expérimentation, censée durer six mois, a commencé en juillet à Toulouse, avant de s'étendre à Argenteuil (95), Garges-lès-Gonesse (95), Buchelay (78), Villeurbanne (69), deux restaurants de Marseille, et Roubaix (59) depuis le 30 novembre. Concrètement, le bacon est désormais banni des tranches de pain, remplacé par de la dinde fumée, et le bœuf est certifié halal, c'est-à-dire tué dans les règles par un sacrificateur agréé. L'expérience "hamburger halal" est simplement signalée à l'entrée des huit restaurants tests par des affiches indiquant que "le Burger Strong Bacon n'est pas disponible à la carte de ce restaurant" où "les viandes proposées sont certifiées halal".


"INADMISSIBLE"
Lorsque le maire socialiste de Roubaix apprend que ses administrés sont privés de cochon depuis plusieurs mois, son sang ne fait qu'un tour. Dans La Voix du Nord datée de lundi, René Vandierendonck annonce qu'il ne souhaite pas que l'expérience soit reconduite et menace de saisir la Halde (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité). "Je me félicite que Quick adapte son offre aux consommateurs en proposant du halal, mais ça va trop loin quand on ne propose plus que cela, cela devient discriminatoire", explique l'élu au Monde.fr, avant de rappeller qu'il est membre du Haut Conseil à l'intégration. Quick étant le seul fast-food du centre-ville, il juge anormal que les clients n'y trouvent pas "les mêmes produits" que dans toute autre franchise du territoire : "Oui à la diversité, non à l'exclusion", résume-t-il.
Chez Quick France, on explique vouloir poursuivre cette expérimentation jusqu'à son terme pour "valider l'intérêt et la faisabilité technique de cette offre commerciale", alors que le marché de l'alimentation halal en France est une niche en plein essor, évaluée à près de 5,5 milliards d'euros pour 2010, selon Solis, un cabinet spécialisé dans les études marketing ethniques. "Nous voulons seulement voir comment la clientèle réagit à cette offre", explique la marque.
"LOGIQUE ÉCONOMIQUE"
Une logique économique qui a du mal à passer auprès de certains responsables politiques. Le porte-parole du gouvernement Luc Chatel a ainsi fait part de ses réticences, soulignant qu'il n'était "pas un fana du communautarisme". "C'est précisément parce que [le fast-food] ne laisse pas de choix aux clients non musulmans que cette attitude est inadmissible", s'est quant à lui indigné le député UMP des Bouches-du-Rhône, Richard Mallié. Quant à Marine Le Pen (FN), elle a jugé, dimanche sur Canal Plus, "inadmissible" une situation qui oblige, selon elle, les clients à "verser une taxe aux organisations islamiques de certification", ce qui n'est pourtant pas le cas chez Quick (lire encadré). Le maire de Roubaix estime enfin que la "discrimination" est d'autant plus insupportable que Quick est une "enseigne nationale", propriété de la Caisse des dépôts et des consignations, le bras financier de l'Etat.
Al-Kanz.org, un site dédié aux consommateurs musulmans, renverse l'argument et dénonce une "discrimination" visant les musulmans. "Aurait-on eu droit à toutes ces saillies médiatiques si, au lieu du halal, Quick avait choisi un autre positionnement, une autre niche, celle du bio ? Un Quick thématique avec exclusivement des menus mexicains ou chinois aurait-il eu une telle résonance médiatique ? Non, assurément non. Et si vraiment c'est le communautarisme qui pose problème, pourquoi tolère-t-on qu'en plein Paris, au 240, boulevard Voltaire, dans le 11e arrondissement, on puisse trouver un Franprix entièrement casher ? (...) Sans parler de la chaîne KFC, qui depuis des années prétend vendre du poulet halal dans tous ses restaurants. C'est même écrit sur leur site", écrit ce bloggueur.
Dans une interview au Post, le fondateur du site Al-Kanz.org, Fateh Kimouche, explique que, "dans cette histoire, c'est le capitalisme qui sert de révélateur". "Il n'y a rien de religieux, c'est une logique de business, explique-t-il. Dans le fast-food test de Villeurbanne, le chiffre d'affaires a bondi de 30 % la première semaine", un chiffre que Quick France a refusé de confirmer. "C'est la logique économique qui prend le dessus. Si le chiffre d'affaires est multiplié par deux, ils n'auront aucune hésitation" à valider l'expérience, conclut-il.

Aucun commentaire: