10 février 2009

Le Monde selon K.

Le mythe Kouchner est mis à mal. Dans un livre très documenté paru mercredi, Le Monde selon K. , le journaliste-écrivain Pierre Péan écorne l'image du ministre des Affaires étrangères, pionnier dans l'humanitaire et personnalité politique la plus populaire en France. Pierre Péan l'accuse d'avoir mélangé les genres entre activités publiques et privées en Afrique, et le critique aussi sévèrement pour ses positions politiques.

Activités de consultant

La principale charge concerne de lucratives activités de consultant, menées dans le secteur de la santé en Afrique, entre 2002 et 2007, après la défaite électorale de la gauche à laquelle il appartenait et avant sa nomination au sein d'un gouvernement de droite, sous Nicolas Sarkozy. D'après le journaliste, Bernard Kouchner a mené ces activités pour deux sociétés privées, Africa Steps et Iméda, gérées par deux de ses proches, alors qu'il présidait en même temps un groupement d'intérêt public, Esther, consacré à la coopération internationale hospitalière. Les deux sociétés ont vendu pour près de 4,6 millions d'euros de contrats de conseil sur la réforme des systèmes de santé au Gabon du président Omar Bongo Odimba et au Congo de Denis Sassou Nguesso. Pierre Péan affirme qu'une partie de ces sommes n'ont pu être recouvrées par les sociétés qu'après l'entrée en fonctions de Bernard Kouchner au Quai d'Orsay, le 18 mai 2007. L'écrivain affirme que l'un des proches du ministre, Éric Danon, gérant d'Iméda et alors ambassadeur auprès de Monaco, a démarché les autorités gabonaises pour obtenir des paiements de factures jusqu'en septembre 2007. Mais il ne fournit pas la preuve d'interventions du ministre après sa prise de fonctions.

Pierre Péan soutient également que les activités de Bernard Kouchner au Congo et au Gabon se sont confondues avec le fonctionnement de la diplomatie française. Au moment où, selon lui, ces deux pays payaient leurs dettes aux deux sociétés, le secrétaire d'État français à la coopération Jean-Marie Bockel, placé sous son autorité, disait le 15 janvier 2008 vouloir signer l'acte de décès de la Françafrique, la relation privilégiée mais opaque entre la France et ses ex-colonies. "À eux deux, le Gabon et le Congo ont commandé pour près de 4,6 millions d'euros de rapports à Iméda et Africa Steps ! Ils en veulent beaucoup à Kouchner d'avoir laissé son secrétaire d'État tenir des propos qu'ils considèrent comme désobligeants", écrit Pierre Péan. Jean-Marie Bockel sera finalement remplacé au mois de mars 2008. "Allégations inexactes" Le Monde selon K. dénonce également les positions politiques du "French doctor", âgé de 69 ans, en particulier sur le rapprochement avec le Rwanda, ainsi que sa proximité supposée avec les thèses américaines sur l'Iran, le Darfour et l'ex-Yougoslavie. "C'est à propos du Rwanda et de la nouvelle politique qu'il mène à l'égard de ce pays depuis son arrivée au Quai d'Orsay que je me suis vraiment intéressé à ce personnage", reconnaît Pierre Péan, auteur d'autres livres controversés. D'après lui, cet ouvrage lui a aussi permis de "revenir sur une autre vérité officielle, selon laquelle, et pour l'éternité, tous les Hutus étaient des bourreaux et tous les Tutsis des victimes". Dès le 12 janvier, Bernard Kouchner a dénoncé "certaines allégations inexactes" du livre, assurant se "réserver le droit d'engager des poursuites judiciaires". Il s'enorgueillit d'avoir "toujours mené (...) un combat permanent en faveur de la santé publique en Afrique", a-t-il défendu dans un communiqué. Mardi, le chef de la diplomatie française a été sommé par des responsables politiques de s'expliquer sur ces accusations. L'opposition socialiste a ainsi souligné qu'elle envisageait d'interpeller le gouvernement à l'Assemblée nationale sur le sujet

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