10 mai 2009

Une nouvelle liste noire pour les produits toxiques

On les appelle les POP : il s'agit des polluants organiques persistants, ces substances chimiques hautement toxiques et résistantes à la dégradation qui s'accumulent dans les organismes vivants et se propagent par l'air et l'eau sur de grandes distances, contaminant durablement les écosystèmes terrestres et aquatiques.

Genève était, du 4 au 8 mai, l'hôte d'une importante réunion, organisée sur le sujet dans le cadre de la Convention de Stockholm. Ce traité, adopté en mai 2001 et qui compte 162 Etats partie prenante - les Etats-Unis envisageant de le rejoindre -, a pour objectif d'éliminer ou de restreindre la production et l'utilisation des POP, dont les effets sur la santé humaine et animale sont multiples : détérioration des systèmes immunitaires, nerveux et reproductifs ; mutations génétiques et cancers. " Les agriculteurs, les femmes enceintes, les jeunes, les générations à venir et certaines communautés isolées comme celles de l'Arctique sont particulièrement vulnérables ", a rappelé Achim Steiner, directeur du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE).
Jusqu'ici, seuls douze pesticides et produits chimiques - la " sale douzaine " dont le DDT, les dioxines, les furanes et les PCB - figurent sur la liste noire de la Convention. Les délégations des 150 pays présents à Genève débattaient de la nécessité d'y adjoindre neuf poisons largement utilisés dans l'industrie électronique et textile. " Pour certains pays, on touche là à de très importants enjeux économiques ", explique Fatoumata Keita Ouane, attachée scientifique au secrétariat de la Convention de Stockholm. " Les neuf substances que nous recommandons d'ajouter sont encore largement produites et utilisées, alors que celles de la "sale douzaine" étaient plutôt des produits en fin de vie ", explique-t-elle.
Le sulfonate de perfluorooctane (PFOS), dont la Chine est le principal producteur, fait l'objet d'intenses négociations. Pékin a fait valoir son droit à obtenir " une assistance technique et financière " conséquente, en échange de possibles concessions. Le PFOS, interdit aux Etats-Unis (autrefois fabricant numéro un) et en Europe, est largement utilisé pour la fabrication des ordinateurs et des télévisions, contaminant les ouvriers, puis les utilisateurs. Il entre aussi dans la composition des imperméabilisants et des produits antitaches dont sont imprégnés certains textiles, et dans les mousses anti-incendie et les fluides hydrauliques. Autant de produits qui inondent les marchés européens et dont on connaît très mal le pouvoir de nuisance à long terme. " En ce qui concerne le PFOS, outre sa nocivité qui est connue, on ne sait même pas en combien d'années cette substance se dégrade ", fait remarquer Mme Keita Ouane.
Autre produit sur la sellette : le lindane, un pesticide que seules le la Roumanie et l'Inde produisent encore, couramment utilisé dans les shampoings antipoux et en médecine vétérinaire dans de nombreux pays africains, asiatiques et sud-américains. L'Union européenne (UE) et les Etats-Unis l'ont interdit. La substance, qui est dite " bio-accumulative " (ses quantités augmentent à mesure qu'elle remonte la chaîne alimentaire), sert aussi à traiter les ananas et les semences de maïs, en particulier au Kenya, grand exportateur de produits agricoles vers l'Europe. A Genève, le Kenya cherche à obtenir une dérogation pour continuer à utiliser ce poison, comme le prévoit la Convention de Stockholm qui accorde des exemptions d'une durée maximale de cinq ans, sur présentation d'un rapport justificatif.
Enfin, le pentabromodiphényléther (PentaBDE) - et autres retardateurs de flammes -, encore massivement présent dans les pays en voie de développement, continue à provoquer de vifs débats. L'Union européenne, qui en a interdit l'utilisation, s'inquiète des problèmes de recyclage auxquels elle pourrait être confrontée si la substance était inscrite sur la liste des POP. Les produits qui en contiennent devraient alors être traités à part, ce qui entraînerait un véritable casse-tête et des coûts élevés.
Reste aussi à savoir dans quelle annexe de la convention ces neuf substances seront classées. L'annexe A regroupe les substances totalement interdites de production et dont l'utilisation est strictement limitée. L'annexe B, celles qui peuvent encore être produites et utilisées, comme le DDT, mais avec des " buts acceptables ".

Aucun commentaire: