15 septembre 2009

Suicides à France Télécom: le PDG convoqué

Le gouvernement a demandé au PDG de France Télécom, Didier Lombard, de convoquer un conseil d’administration consacré à la série de suicides qui touche les salariés depuis plusieurs mois, a annoncé dimanche Christine Lagarde. «J’ai demandé, avec (le ministre du Travail) Xavier Darcos, au président de France Télécom de convoquer d’urgence un conseil d’administration, pour que, au plus haut niveau, il y ait à la fois un message très fort vis-à-vis de l’ensemble du personnel et puis des instructions qui soient données à la hiérarchie pour que ces problèmes-là soient pris en compte», a déclaré la ministre de l’Economie et de l’Emploi sur France 3.
Xavier Darcos, de son côté, doit recevoir mardi à 11 heures Didier Lombard. Samedi, le ministre avait proposé d'envoyer le directeur général du travail dans l'entreprise, les syndicats exprimant de leur côté de vives critiques contre le management du groupe. Le ministre propose «que le directeur général du travail, autorité centrale de l’inspection du travail en France, assiste à une prochaine réunion du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail» de l'entreprise. Il lui demandera aussi "d’engager les négociations avec les représentants du personnel de l’entreprise, pour transcrire au niveau du groupe" l’accord sur la prévention du stress au travail conclu par les partenaires sociaux en novembre 2008.
La 23e victime, une jeune femme de 32 ans, est décédée vendredi après s'être jetée par la fenêtre de son bureau. Deux jours plus tôt, un autre salarié avait tenté de se tuer en se plantant un couteau dans le ventre en pleine réunion.
Jeudi, au soir d'une mobilisation nationale, la direction s'était déjà engagée à ouvrir ces négociations vendredi 18 septembre, mais aussi à suspendre provisoirement les mobilités et à recruter des DRH et médecins du travail.
Pour Xavier Darcos, qui a manifesté «sa très forte préoccupation», «il faut aujourd’hui que les entreprises (...) prennent en compte les facteurs de risques pour la santé mentale liés aux organisations de travail et à leurs évolutions».
Selon la direction de France Télécom, la jeune femme qui a mis fin à ses jours vendredi «venait d'apprendre qu'elle changeait de chef d'équipe».
"C'est une personne qui était fragile, qui était suivie à la fois à titre personnel et dans l'entreprise par des psychiatres, des médecins du travail et l'assistante sociale depuis longtemps", selon la même source, qui a ajouté que sa charge de travail avait été "adaptée".
Mais pour les syndicats, dont la mobilisation jeudi dénonçait les conditions de travail, ce sont les méthodes de management qui sont à l'origine de la série noire observée depuis février 2008 (23 suicides sur 100.000 employés).
"Innaceptable", "insupportable"... Samedi, ils n'avaient pas de mots assez forts pour traduire leur colère.
FO-Com, CGT, CFTC et Sud-PTT, ont réclamé tour à tour à l'entreprise des "mesures radicales", la plupart appelant l'Etat à "prendre ses responsabilités", en tant qu'actionnaire majoritaire, et FO menaçant de faire jouer son droit de retrait (qui permet à un salarié se jugeant en danger de cesser le travail).
D'autant que l'inquiétude reste forte: "je suis intimement convaincu qu'il va y avoir d'autres cas", car "on oublie tout ceux" qui "font des tentatives sans qu'on le sache ou qui sont en arrêt de maladie", a souligné Patrice Diochet (CFTC).
Une crainte partagée par la psychanalyste Marie Pezé, spécialiste du stress au travail. "On aura des suicides de cadres, et même des meurtres, les couteaux sont sortis", dit-elle, tant les mesures envisagées par la direction sont "insuffisantes" voire "délétères".
Depuis plusieurs années, les syndicats déplorent le malaise au travail et la pression sur les salariés, notamment pour les inciter à partir dans le cadre d'un plan de départs volontaires qui a permis de se séparer en trois ans de 22.000 salariés (pour 5.000 embauches).

Aucun commentaire: