25 février 2010

L’"affaire Ali Soumaré" crée de vives tensions au sein de l’UMP

Mardi 23 février, la procureure de la République de Pontoise, Marie-Thérèse de Givry, a dédouané M. Soumaré de trois des cinq accusations portées contre lui. Me Jean-Pierre Mignard, avocat du candidat socialiste, devrait saisir le tribunal de grande instance de Pontoise "de plaintes en diffamation, d'une procédure en atteinte à la présomption d'innocence, d'une plainte pour violation du secret professionnel et de révélations publiques de condamnations pénales réhabilitées".

Les deux élus ont imputé vendredi à M. Soumaré quatre condamnations judiciaires entre 1999 et 2009 et un jugement en cours. La procureure a indiqué, mardi sur France Bleu Ile-de-France, qu'une condamnation, avancée par M. Delattre, pour vol aggravé commis en 2004, "ne concerne pas Ali Soumaré. Elle a été prononcée par le tribunal pour enfants". A l'époque, M. Soumaré était majeur.
"Il s'agit d'un homonyme", a-t-elle précisé. Concernant une infraction pour conduite sans permis relevée par M.Delattre, "aucune ordonnance n'a été signifiée à M. Soumaré. Le dossier est en cours", a-t-elle ajouté. Enfin, M.Soumaré ayant fait appel des deux mois de prison ferme auquel il a été condamné en 2009 pour rébellion à agent de la force publique, "il est donc présumé innocent. C'est un principe de notre droit", a rappelé Mme de Givry.
Reste une accusation de "violence" contre deux femmes en 2008. M. Soumaré nie en être l'auteur. Le candidat PS reconnaît, en revanche, un vol en 1999 pour lequel il a écopé de six mois de prison ferme. Selon son avocat, Jean-Pierre Mignard, "comme le prévoit la loi, cinq ans après l'exécution d'une peine, M.Soumaré a été réhabilité. Il est donc interdit d'en faire état".
"REDOUTABLE ERREUR"
Cette campagne contre Ali Soumaré sème le trouble dans les rangs de l'UMP. Eric Raoult, député (UMP) de la Seine-Saint-Denis, a estimé, mardi, que la polémique contre Ali Soumaré était "une redoutable erreur". Le maire du Raincy s'en est pris à la candidate UMP à la présidence de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, qui mène, selon lui, "une campagne amateur". "Il n'y a pas de patronne, on a déjà perdu", s'est-il emporté.
Pour sa part, Valérie Pécresse, a "condamné", mardi, l'initiative de M. Delattre et regretté "cette démarche qui ne correspond ni à sa conception de la politique ni à ses valeurs". Sans être à l’origine de ces dénonciations, Mme Pécresse avait été informée par Axel Poniatowski, tête de liste (UMP) dans le Val-d’Oise de son intention de publier, de son côté, un communiqué de presse après les "révélations édifiantes", selon lui, de M.Delattre. "J’ai prévenu Valérie Pécresse, confie le député du Val-d’Oise, de mon intention de faire ce communiqué. Elle m’a donné son accord". "Je regrette clairement qu'on ait pu porter des accusations erronées contre M. Soumaré", affirme aujourd'hui M.Poniatowski. "Il est certain que son passé judiciaire n'est pas aussi lourd que ce que l'on pouvait penser. Il n'en reste pas moins que M. Soumaré est un personnage obscur", persiste-t-il.
Tête de liste (UMP) à Paris, Chantal Jouanno a pris, très tôt, ses distances avec les accusations portées contre M. Soumaré. "Moi, je ne l'aurais pas nécessairement fait", a-t-elle déclaré, lundi.
Au PS, Jean-Paul Huchon et Bertrand Delanoë ont demandé "des excuses publiques" à Mme Pécresse. Le président sortant de la région dénonce "la campagne de caniveau" de la candidate UMP "qui se développe avec des relents anti-jeunes, anti-jeunes de quartiers".
Les socialistes s'interrogent sur la provenance des documents produits par l'UMP. Pour le porte-parole du PS, Benoît Hamon, il "existe un robinet" direct entre le parti majoritaire et la police ou la justice.
Selon plusieurs sources policières et judiciaires, les allégations divulguées par M.Delattre pourraient provenir du fichier STIC (Système de traitement des infractions constatées). Ce fichier contient les infractions commises par des personnes telles qu'elles sont enregistrées par la police indépendamment de leurs issues judiciaires. Il n'est accessible qu'aux policiers, aux magistrats du parquet et aux juges d'instruction. Sa consultation est limitée. Elle répond à une procédure rigoureuse et exige l'usage d'un code d'accès. En aucun cas, un élu, un avocat ou un responsable politique ne peuvent le visionner ni ordonner qu'il le soit.
Joint mercredi matin par Le Monde, Frédéric Péchenard, le directeur général de la police nationale, a déclaré qu'il "n'excluait pas" de saisir l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) aux fins de vérifier si une personne était allée vérifier dans le STIC le dossier de M. Soumaré. "S'il s'avère qu'un policier est impliqué dans cette affaire, il sera sanctionné", a assuré M.Péchenard.
Mardi, M. Delattre a expliqué qu'à propos de la "rébellion à agents", "deux policiers ayant participé à une interpellation [en juillet 2009] dans un quartier difficile de Villiers-le-Bel et qui ont été confrontés à la violence de M. Ali Soumaré et de ses amis qui s'opposaient à cette intervention, [lui] ont donné la date du jugement". Cependant, concernant le vol aggravé, l'élu UMP ne révèle pas comment il a eu accès au jugement du tribunal pour enfants de 2004, qui n'est pas rendu public.
Yves Bordenave et Béatrice Jérôm

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